Carbios, pépite française du recyclage des déchets plastique
14,5 millions d'euros : montant de la dernière levée de fonds à laquelle les groupes Michelin et L'Oréal ont notamment participé
Innovation
Il est extrêmement rare qu’une entreprise européenne publie un article dans la prestigieuse revue scientifique Nature. A fortiori une PME française. Alors, figurer en couverture relève de l’exploit. C’est pourtant le tour de force que vient de réaliser la société Carbios, grâce à son innovation prometteuse dans le domaine du biorecyclage.
La PME de Clermont-Ferrand a conçu un processus inédit de dégradation et de recyclage du polyéthylène téréphtalique (PET), matériau qui sert à fabriquer les bouteilles et emballages en plastique. L’entreprise créée en 2011 utilise pour cela une enzyme. «Le PET s’apparente à un ensemble de colliers de perles enchevêtrées. Notre enzyme agit comme un petit ciseau biologique qui sépare les perles, appelées monomères. Nous récupérons ainsi les molécules de base qui ont servi à fabriquer le plastique et nous les recyclons», explique le professeur Alain Marty, directeur scientifique de Carbios. La biotech affiche un rendement de dégradation des déchets PET de 90% en dix heures, alors qu'auparavant le rendement était de 1% en plusieurs semaines, même si les bouteilles ou fibres de plastique étaient déjà recyclées à la base.
Une telle prouesse doit beaucoup au partenariat établi par la société avec le Toulouse Biotechnology Institute (TBI), coauteur de la publication dans Nature. Ce laboratoire public est reconnu mondialement pour sa recherche sur les enzymes. "Nous avons travaillé à l'interface entre deux sciences en faisant collaborer des experts de la plasturgie et des biologistes spécialisés dans les enzymes", souligne Philippe Pouletty, cofondateur de Carbios et directeur général de Truffle Capital.
Consécration
Les emballages plastique sont une calamité pour la planète. Environ 200 millions de tonnes de déchets plastique s'accumulent chaque année dans les décharges, les sols, les rivières et les océans. L'innovation mise à l'honneur dans Nature soulève de grands espoirs pour les pionniers de l'économie circulaire car elle permettrait de produire des millions de bouteilles en plastique recyclées sans devoir toucher aux procédés industriels dans les usines.
Les chercheurs de Carbios et de TBI ont envoyé l'article à Nature fin juin 2019. Il a fallu plus de neuf mois d'allers-retours avec des experts du domaine pour accoucher de la version finale. La publication représente une consécration de la part de la communauté scientifique internationale et un formidable coup de pub pour la PME auvergnate. "Cela nous rend visibles et crédibles", résume Jean-Claude Lumaret, le directeur général de Carbios. Les fondateurs voient déjà le coup d'après. "On pourra dire qu'on aura réussi quand les usines en Europe, en Asie et aux Etats-Unis utiliseront notre technologie pour recycler les déchets de plastique en circuits courts", complète Philippe Pouletty.
La jeune pousse était déjà dans les radars des industriels. Les groupes Michelin et L'Oréal ont participé à sa dernière levée de fonds de 14,5 millions d'euros. Menée en juin dernier, celle-ci a pour objet de financer la construction d'un démonstrateur dans la région lyonnaise, dont la mise en service est prévue pour le second semestre de 2021.
Carbios étudie par ailleurs des applications de son innovation dans les fibres textiles à base de polyester. Un marché deux fois supérieur à celui des emballages plastique.
