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Le scandale Wirecard va-t-il éclabousser le secteur, en plein boom, des fintech ?

« Dans tous les marchés qui sont en forte expansion et qui avancent plus vite que la musique, il y a toujours des ratés sans que cela ne coule définitivement un secteur. Cela a été notamment le cas au début d'Internet. Cela fait partie des cycles de développement », estime Bernard-Louis Roques, Directeur Général de Truffle Capital

La chute de la fintech bavaroise Wirecard n'est pas sans conséquence pour les autres start-up de la finance, y compris en dehors des frontières allemandes. Outre des incidences purement opérationnelles, cet écosystème en hypercroissance pourrait pâtir d'un sentiment de défiance de la part des investisseurs et des clients. Les dirigeants d'entreprise craignent l'amalgame.

Y'aura-t-il un avant et un après Wirecard pour le monde des start-up de la finance ? Le scandale financier qui secoue cette entreprise bavaroise spécialiste des paiements électroniques pourrait bien éclabousser l'industrie de la fintech dans son ensemble. C'est en tout cas ce que craignent certains acteurs de ce jeune secteur, qui se développe à vitesse grand V depuis une dizaine d'années et dont les levées de fonds ont atteint près de 500 millions d'euros en France au cours des six premiers mois de l'année.

Présentée comme une « vieille » fintech, Wirecard est née en 1999 près de Munich. Elle s'est notamment spécialisée dans l'acquisition. Dans l'univers des paiements en ligne, cette activité permet à un e-commerçant d'accepter différents types de paiements (carte CB, Visa, Mastercard, Paypal, Alipay, etc.). Wirecard joue ainsi un rôle d'intermédiaire entre un commerçant et un émetteur de carte. Grâce à sa solution technologique, la société bavaroise aurait séduit plus de 300.000 entreprises dans le monde. En 2018, elle remplaçait même le dinosaure Commerzbank au Dax 30, l'indice qui regroupe les 30 plus importantes capitalisations boursières d'Allemagne. Tout un symbole. À son plus haut, Wirecard pesait 24 milliards d'euros, le double de la valorisation actuelle de Société Générale. Aujourd'hui, elle ne pèse « plus que » 511 millions d'euros et son avenir est plus que jamais incertain, après qu'elle a déposé le bilan le 25 juin dernier, une semaine après avoir reconnu que les 1,9 milliard d'euros manquants à son bilan n'existaient « probablement pas », entraînant la démission de son emblématique patron Markus Braun.

Rupture de services en chaîne et crise de confiance Cette chute vertigineuse n'est pas sans conséquence pour les autres fintech, y compris en dehors des frontières allemandes. Car, outre son activité d'acquisition, Wirecard a aussi développé une activité d'émetteur de cartes de paiement depuis sa filiale britannique Wirecard Card Solutions et comptait parmi ses entreprises clientes de nombreuses start-up de la finance. Or, le 26 juin, le régulateur britannique (FCA) a décidé de suspendre ses licences, entraînant la rupture de service de nombreuses fintech, à l'image de l'appli bancaire Curve dont la carte était temporairement inutilisable. Après trois jours de blocage, la filiale britannique de Wirecard a néanmoins pu reprendre son activité et ses entreprises clientes également.

Au-delà de cette incidence purement opérationnelle, le scandale comptable de Wirecard pourrait avoir des conséquences indirectes bien plus dommageables pour l'écosystème des fintech, qui risquerait de pâtir d'un climat de défiance à leur égard.

« C'est la première fois que cette industrie naissante est confrontée à un scandale d'une telle ampleur », observe Guillaume Ponsard, directeur général de la plateforme de paiement CentralPay. « Ce scandale aurait pu arriver dans d'autres industries. Il s'agit d'un maquillage comptable. Il ne faudrait pas jeter l'opprobre sur l'ensemble d'une profession qui est extrêmement régulée », poursuit-il. »