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"Le temps des administratrices engagées" publication des Echos par Philippe Pouletty

Il semble indispensable, dans les licornes, que le rôle d'administrateur et plus largement du conseil soit réinventé.

C'est pour moi une préoccupation du moment pour l'une de mes entreprises. Sélectionner une administratrice de moins de 25 ans ! Il ne s'agit pas de céder à une forme de jeunisme qui serait assez ridicule mais plutôt d'intégrer une réalité qui se vérifie tous les jours.

Par ses réflexes, sa culture numérique et écologique, ses centres d'intérêt, la nouvelle génération voit, comprend, anticipe des choses que l'on ne voit pas avec le même regard quand on a quelques années de plus. Or les directions des start-up ont absolument besoin de cette vision complémentaire. Ce jeune de moins de 25 ans n'a pas vocation à avoir immédiatement une forte compétence business. Mais il sera précieux à la compréhension du marché, des aspirations et des valeurs des utilisateurs, des nouveaux usages ...

Il semble indispensable, dans les futures licornes, que le rôle d'administrateur et plus largement du conseil soit réinventé dans ce sens. Dans ces entreprises à forte croissance, le pilotage est particulièrement délicat et les fautes de carre ne pardonnent pas. Il est fondamental que le management puisse s'appuyer sur son conseil scientifique et sur un conseil d'administration diversifié pour prendre les bonnes décisions. Il faut vraiment « être dans le coup » pour occuper ces fonctions qui doivent être plus opérationnelles qu'honorifiques ou protocolaires.

Nous avons besoin dans nos différentes instances de ces talents, qui sont autant de capteurs dans la société tout entière. Les conseils d'administration doivent refléter la réalité telle qu'elle est, en étant bien immergé dans nos différents marchés d'aujourd'hui et de demain. Ce sont eux qui sauront détecter les signaux faibles indispensables pour comprendre les nouvelles aspirations et les nouveaux besoins.

Il semble indispensable, dans les licornes, que le rôle d'administrateur et plus largement du conseil soit réinventé. Le schéma classique fait d'un certain entre-soi - il faut bien le dire - est dépassé. Le temps des administrateurs qui viennent assister à trois heures de conseil pour poser une ou deux questions intelligentes avant de repartir n'est pas tenable dans la nouvelle économie (et peut-être même dans l'ancienne).

Les entreprises ont besoin d'administrateurs engagés. Il se trouve que nous venons de faire entrer trois nouvelles administratrices et un nouvel administrateur de grand talent au conseil de Carbios, qui révolutionne le recyclage des plastiques. L'état d'esprit des candidates et des candidats sélectionnés manifestait une vraie rupture : la motivation à nous rejoindre était bien de participer activement au développement d'une entreprise qui, par ses innovations, allait contribuer à « nettoyer » la planète.

Cette recherche de sens que les jeunes générations mettent en avant lorsqu'ils cherchent du travail se retrouve exprimée de façon très comparable dans ces conseils d'administration.Je l'avais aussi constaté chez Carmat : la perspective d'apporter sa pierre à une medtech qui a développé le coeur artificiel du futur a quelque chose d'irrésistible. On l'a compris, les start-up attendent de ces administratrices ou de ces administrateurs engagés une réelle implication qui doit aller au-delà d'une réflexion stratégique, d'un partage de carnets d'adresses ou de conseils classiques.

C'est comme cela que le conseil d'administration peut pleinement jouer son rôle. Il sera d'autant plus efficace qu'il saura refléter la réalité de ce que seront la société contemporaine et le business de 2030-2040. D'où l'importance d'intégrer des jeunes, des profils très internationaux mais aussi des femmes dont la présence reste trop discrète, surtout dans les start-up technologiques.C'est sans doute un de leurs talons d'Achille. L'innovation fantastique dont est capable la « nouvelle économie » est moins évidente lorsqu'il s'agit de parité.Les investisseurs comme les analystes sont les premiers à le rappeler aux entrepreneurs dont je fais partie.

A nous de changer les choses dans nos entreprises.

Philippe Pouletty est directeur général de Truffle Capital et président du conseil d'administration de Carbios.

Article sur le site des echos: https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-le-temps-des-administratrices-engagees-1913595